Les machins administratifs

Les machins administratifs occupent des fonctionnaires devenus progressivement redondants au cours de leur carrière, mais non opérationnels dans des services orientés vers le public. En ce qui concerne les fonctionnaires opérationnels, on peut admettre que les services pourraient bénéficier d'une meilleure organisation, utilisant à plein les techniques modernes de l'information et de la communication. Mais ce faisant il est inévitable qu'il se crée des fonctionnaires redondants. Les opérationnels savent ce qu'il advient des fonctionnaires redondants.

Or c'est cette catégorie qui pose le vrai problème car l'État ne dégraisse jamais et ne licencie jamais de personnel. Un fonctionnaire ne disparaît des rôles de l'État que lorsque sa pension propre ou sa pension de reversion cesse par son décès.

Il y a des milliers d'organismes, comités, conseils, haut conseils, bureaux d'études, etc. dans toutes les strates de l'État, que l'on peut qualifier de "machins administratifs" pour faire court. Beaucoup de ces machins servent à faire travailler, de manière prétendument "utile pour la collectivité", des fonctionnaires redondants qui de toute façon perçoivent leur traitement. Plutôt que les voir ne rien faire dans leurs administrations, autant les occuper à quelque chose d'"utile". Le plus grand nombre de ces machins sont des coquilles vides soit depuis leur création (n'ayant fonctionné qu'un petit nombre de fois lors de réunions éphémères), ou devenues vides après une ou deux années de fonctionnement voire plus.

Pendant leur période de fonctionnement, ces machins occupent des bâtiments, des bureaux, aménagés ou ré aménagés spécialement, équipés généreusement de matériel informatique et bureautique lequel est changé tous les deux ans pour suivre le progrès technique, et de logiciels forcément coûteux; ils paient évidemment des notes de téléphone, d'accès à Internet, d'électricité gaz et eau et ils disposent aussi de voitures pour se déplacer. Les machins emploient le plus souvent du personnel supplémentaire, non fonctionnaire, embauché sous contrat renouvelable, secrétaires, informaticiens, collaborateurs divers pour pouvoir absorber une charge de travail toujours plus grande. De plus comme les responsables de ces machins ne travaillent surtout pas eux-mêmes, ils font appel le plus souvent à des consultants qui sont, soit d'autres machins administratifs, soit des entreprises du secteur privé. L'engagement de ces entreprises occupe une grande partie du temps, consultations, appels d'offres, examen et comparaison des offres et passation des contrats. Compte tenu des termes de référence qui lui sont fixés, chaque machin est doté d'un budget annuel. Mais le fonctionnement du machin est toujours perturbé par le non paiement de ses factures par le trésorier payeur... cela va jusqu'à la coupure du téléphone, de l'électricité ou de l'eau, ou des consultants.

Ensuite la vie de ces machins évolue de réunion en réunion, comporte plusieurs séminaires par an, et des déplacements continuels auprès d'organismes communaux, intercommunaux, départementaux, régionaux et nationaux. Le plus souvent, après quelque temps de fonctionnement, un ou plusieurs autres machins ayant exactement les mêmes termes de référence se créent. Dans l'administration on ne parle jamais de concurrence entre services mais plutôt de complémentarité. Il n'empêche, le premier machin créé, qui s'est engagé à fond pour mener à bien ses termes de référence se sent déstabilisé par cette "concurrence" d'où un profond sentiment de frustration. Mais au bout d'un certain temps les bénéficiaires des services de ces machins se lassent et demandent à l'administration qui les a mis en place de cesser leur activité. Le fonctionnaire responsable se retrouve alors seul pendant quelques années, chargé de mettre fin au machin. Et ce jusqu'au jour où sa hiérarchie décide de le ramener en son sein. Suit alors une période d'attente, le temps qu'un autre machin soit créé et qu'on le confie au fonctionnaire en attente d'activité "utile".


Créé le 28/11/2005 par Pierre Ratcliffe.
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